L'histoire de Netrunner

Comment on est passés de Netrunner à Netrunner.

Cet article essaiera d'apporter un brin d'explication sur l'histoire de Netrunner, la différence entre Android: Netrunner et le Netrunner actuel. Je me suis dit que l'on pouvait se perdre assez facilement sur l'état du jeu, donc cet article essaiera d'apporter de la clarification.

TL;PL : une première version de Netrunner sort en 1996, créée par Richard Garfield, puis abandonnée en 1999. En 2012, Fantasy Flight Games sort une nouvelle version, avec succès. En 2018, Wizards of the Coast décide de pas renouveler la licence de Netrunner à Fantasy Flight Games qui annulent le jeu de manière subite. Un collectif de pirates reprend les rênes du jeu en 2018 et animent sa version actuelle.

1. Richard Garfield et la création

En 1993, Richard Garfield lance Magic - The Gathering, père de tous les jeux de cartes à 2. Bon, c'est une histoire très connue, pas grand chose à dire si ce n'est que cela va beaucoup l'influer pour Netrunner.

Richard Garfield a toujours respecté Magic, mais trouvait que bien souvent on subissait les cartes. Il voulait inverser la tendance et proposer un jeu où les gens jouaient les cartes et non pas l'inverse. Il a donc pris des mécaniques de bluff que l'on trouve dans le poker et mis dans un univers cyberpunk : Netrunner est né en 1996.

Netrunner 1996
Netrunner V1

À la base, Netrunner est un jeu de cartes à jouer et à collectionner (où il faut acheter des boosters). Malgré le fait que Richard Garfield le considère comme son meilleur design, le succès commercial n'est pas au rendez-vous et le jeu est abandonné en 1999. C'est très sûrement dû au fait que les années 90 ont vu une plétore de jeux de cartes à collectionner ce qui a provoqué une saturation du marché : les gens ne voulaient pas de la sortie d'un énième jeu de cartes !

Le jeu est l'abandon presque complet pendant les années 2000, jusqu'à ce que Fantasy Flight Games se penche sur le sujet au début des années 2010.

2. Android: Netrunner et le succès du jeu

2.1. Les jeux de cartes évolutifs

À la fin des années 2000, Fantasy Flight Games, un éditeur de jeux de société propose un nouveau concept pour les jeux de cartes à jouer : les jeux de cartes évolutifs.

C'est assez simple : au lieu de vendre des boosters de cartes aléatoires avec des raretés comme Magic ou Pokémon, FFG vend une extension complète avec toutes les cartes au bon nombre d'exemplaires. Ils misent sur le fait que les gens veulent s'amuser avant de collectionner.

Parmi ces jeux, on peut retrouver le célèbre Arkham Horror, le Seigneur des anneaux, ou encore plus récemment Marvel Champions.

LCG
Quelques JCE de FFG

2.2. Android: Netrunner

FFG se penche sur un jeu abandonné des années 90 : Netrunner. Ils font un accord avec Wizards of the Coast (qui possède les droits du jeu), modifient quelques éléments et sortent Android: Netrunner, la deuxième version de Netrunner. Ce jeu se passera dans l'univers d'Android, que FFG a créé.

Le succès est au rendez-vous : le jeu se place rapidement en tant que meilleur jeu de cartes à 2 sur BoardGameGeek, la référence mondiale des jeux de société et le jeu est traduit en pas mal de langues, dont le français.

LCG
Quintin Smith (à droite), célèbre figure du jeu de société et adorateur de Netrunner.

L'une des forces du jeu est que c'est un jeu de cartes qui vient de l'univers des jeux de société, où les communautés y sont beaucoup moins toxiques et où les gens cherchent avant tout à s'amuser.

On pourra reprocher quelques couacs de production et de design à FFG, mais le jeu vit bien jusqu'en 2018 et des tournois sont régulièrement organisés partout dans le monde. Si bien que FFG annonce une très attendue version remaster de la boite de base. Tout se porte bien donc.

2.3. La fin de Android: Netrunner

Courant 2018, une annonce vient fracasser les rêves de plein de personnes de la communauté d'Android: Netrunner.

FFG annonce que Wizards of the Coast n'ont pas renouvelé les droits pour Netrunner. Ils arrêtent subitement le jeu, effectif immédiatement. Bim. Cette annonce est tellement fracassante que plein de personnes s'en retrouvent un peu désemparées et sur leur faim : que faire pour continuer à jouer à ce super jeu ?

jack out
Débranchement

Il y a même une légende que dans un des derniers évènements Android: Netrunner organisés par FFG, le staff de FFG a dit à la communauté que le jeu ne vit que par les gens qui y jouent donc continuez à faire vivre ce jeu, et au passage on peut vous donner informellement quelques astuces pour lancer un jeu de cartes.

Il n'en fallait pas plus pour qu'un collectif de pirates punks s'emparent du sujet.

3. NISEI - NSG et le renouveau

3.1. Les débuts

Dès 2018, un collectif de bénévoles nommé NISEI (plus tard renommé Null Signal Games) décide de reprendre la gestion et coordination du jeu.

Ils investiguent dans le côté juridique en retirant les éléments sous copyright, renomment le jeu "Netrunner" (pour sortir de la licence Android) et continuent à faire vivre le jeu.

Worlds 2022
Worlds 2022, organisés par NSG

Comme c'est une asso, leur objectif n'est pas de faire du chiffre d'affaires mais de faire kiffer les gens qui veulent jouer à Netrunner.

La communauté kiffe et NISEI-NSG a bien su tirer les leviers pour s'aider de ce collectif de personnes bienveillantes et passionnées pour continuer à faire vivre le jeu.

3.2. Aujourd'hui

Nous sommes en 2023, et le jeu se porte très bien. NSG ira jusqu'à dire que le jeu a retrouvé une affluence similaire voire supérieure à 2017.

Le collectif sort plusieurs extensions par an, traduites en plusieurs langues, avec un design de cartes varié sans tomber dans le power creep.

Les championnats du monde s'attendent à ce que plusieurs centaines de personnes viennent s'amuser dans la joie et la bonne humeur (ceux de 2023 ont même battu des records d'audience).

3.3. Et après ?

L'histoire de NSG est passionnante : un jeu cyberpunk s'arrête subitement suite à la décision injuste d'une méga-corporation, mais un collectif de pirates d'emparent du jeu pour le faire vivre avec comme mot d'ordre : amusez-vous. Cette douce ironie commence à attirer les média, surtout à l'ère des booster Magic à 1000€ ou de gens comme Elon Musk qui nous font penser à des méchants tout droit sortis d'oeuvres Cyberpunk. On peut s'attendre à une couverture médiatique un peu plus présente dans les prochains trimestres.

TCG Player Netrunner
Article de TCG Player sur Netrunner et NSG

NSG a pour ambition actuelle de s'émanciper au maximum de la version de FFG d'ici 2 ans.

Le collectif continue son mot d'ordre : amusez-vous.

4. Post-mortem : mais pourquoi ça a marché ?

Android: Netrunner n'est pas le premier jeu abandonné par un éditeur et repris par la communauté. Mais pourquoi NSG a marché là où les communautés Harry Potter TCG ou Star Wars CCG ont échoué ? Il y a plusieurs raisons à cela.

4.1. Une annonce très subite

Le jeu se portait plutôt bien, avant de se faire annuler du jour au lendemain. Son arrêt n'est pas dû à un manque d'engouement de la communauté, mais à une décision commerciale. Ce qui fait que les gens n'étaient pas prêts à entendre cela et cherchait à continuer l'aventure.

4.2. La communauté

Une des forces de Netrunner est sa communauté, qui est inclusive et bienveillante. Avec une telle communauté, les gens se sentent un peu comme avec une seconde famille, et ont envie de continuer l'aventure avec cette famille.

4.3. La base est excellente

Richard Garfield, un des plus grands game designers de tous les temps, considère le jeu comme un de ses meilleurs designs. Le jeu est régulièrement cité comme un des meilleurs jeux de cartes à 2. Les critiques sont dithyrambiques.

Alors oui, c'est vrai, ce concept asymétrique de bluff où chaque partie est une histoire et un ascenceur émotionnel de retournements de situations est un plaisir à jouer, et ça a bien aidé à maintenir son momemtum.

De plus, son univers à base de hacking et de méga-corporations corrompues change des traditionnelles boules de feu et autres dragons / gobelins, ce qui ajoute à son côté "outsider unique".

4.4. Un bon travail de NSG

Puis on va rendre à César ce qui appartient à César : dans l'ensemble, NSG fait du très bon travail. Le collectif comprend un peu moins d'une centaine de bénévoles partout dans le monde qui organisent les nouvelles extensions, la scène compétitive, la gestion des outils de la communauté ou encore l'animation de cette dernière.

On pourra leur reprocher quelques broutilles, mais NSG a très bien assuré la relève.